Il existe une haute administration indépendante qui a la charge de lutter contre les discriminations et de "veiller au respect des droits et des libertés" (article 71-1 de la Constitution). Cette administration s'appelle le défendeur des Droits. Chaque citoyen, chaque association a la possibilité de saisir le défendeur des Droits pour dénoncer une violation de leurs droits.
Depuis sa création, ADDESI s'est fixée comme objectif de constituer un dossier solide pour saisir cette administration afin d'obtenir la reconnaissance officielle des délits commis dans les IFSI envers les étudiants : le harcélement moral et la discrimination. Cette reconnaissance officielle permettrait l'ouverture d'enquêtes judiciaires sur le fonctionnement des IFSI et la condamnation des responsables : des condamnations qui mettraient fin à la maltraitance des IFSI.
Le 23 février 2021, après 7 ans de labeur, ADDESI a saisi le défendeur des Droits. La saisie comportait un courrier de 16 pages de Maître Panarelli Stéphane, avocat au barreau de Versailles et un dossier de 62 pages, le bilan de 5 ans d'activité de la cellule de soutien d'ADDESI.
Maître Panarellli est un avocat qui a eu plusieurs fois l'occasion de défendre des étudiants en soins infirmiers contre l'institut qui les formait. Il a pu constater de nombreuses violations des droits des étudiants et de graves dysfonctionnements dans la structure même juridique des IFSI. Dans ce courrier, Maître Panarelli s'indigne que les juridictions administratives rejettent systématiquement les requêtes en excés de pouvoir déposées par les étudiants empêchant l'émergence d'une jurisprudence favorable aux étudiants. Il note que la législation applicable aux étudiants infirmiers a été modifiée à de nombreuses reprises quasiment tous les ans. Cette instabilité du socle juridique des IFSI bloque la création d'une défense solide des droits des étudiants. De plus, ces modifications n'ont apporté aucune protection juridique aux étudiants. Dans ce contexte, les étudiants ne peuvent se défendre face à la hiérarchie des hôpitaux et les sanctions disciplinaires déguisées.
Le dossier d'ADDESI intitulé "Cinq ans de combat associatif contre la maltraitance des étudiants en soins infirmiers" réalise le bilan de la cellule de soutien de l'association. Entre avril 2015 et avril 2019, les bénévoles de l'association ont reçu 434 demandes de soutien et réalisé 294 entretiens téléphoniques. Ces entretiens ont enrichi une base de données pour tenter de comprendre ce qu'était la maltraitance, qui en était la victime, qui en était le responsable, quel était le schéma de la maltraitance. Nous avons pu ainsi démontrer que les étudiants étaient victimes de 2 délits : harcélement moral et discrimination, les 2 principaux critères de discrimination étant l'âge et la couleur de peau. La moyenne d'âge des étudiants qui nous ont contacté est de 35 ans et la moitié des appels provenait d'étudiants ayant des origines africaines, maghrébiens ou DOM-TOM ; alors que une promotion d'étudiants en soins infirmiers est principalement constituée de jeunes filles blanches de 20 ans. D'autres critéres de discrimination ont également émergé : le handicap, la grossesse, le sexe, une activité syndicale.
Quant aux responsables, ils sont nombreux. A l'origine du délit, il y a bien sûr un soignant en stage ou un cadre formateur qui harcéle un étudiant et sabote ses études. Mais la direction des IFSI ainsi que l'ARS, au mieux, ferme les yeux et, au pire, enfonce l'étudiant qui dénonce sa situation.
La constitution de ce dossier a nécessité des centaines d'heures de bénévolats et une dépense financière de l'ordre de 5000 euros. Fier de notre travail, nous avons donc attendu impatiemment la réponse du défendeur des Droits.
Le 28 mars 2021, le défendeur des Droits nous oppose un refus de se saisir de ce dossier. Voici, ci-dessous, la réponse anonymisée du défendeur des Droits :
Cette réponse nous a choqué. C'est scandaleux et inacceptable. Après les Instituts de Formations en Soins Infirmiers qui harcèlent et discriminent, après les Agences Régionales de Santé qui ferment les yeux, après les autorités judiciaires administratives et pénales qui refusent d'ouvrir des enquêtes, voici une enième administration qui refusent de se saisir du problème. Un problème qui provoque chaque année des dizaines de suicide d'étudiants, des centaines de dépressions, et détruit définitivement toute forme de cohésion sociale.
Ce refus démontre que la maltraitance des étudiants en soins infirmiers est avant tout un choix politique. La France est un pays dont les administrations ont une tolérance extrême vis à vis de la discrimination. Nous ne sommes pas les seuls à l'affirmer. Nous vous invitons à lire l'article du Monde du 22 avril 2021 : "la France malade de ces discriminations".
Nous avons adressé une réponse au défendeur des Droits que vous pouvez télécharger. Nous lui avons fait savoir qu'il s'est bien foutu de notre gueule.
La saisie du défendeur des Droits était la dernière action de l'association. Les bénévoles sont épuisés et la trésorerie est vide. Il faudrait saisir la Cour européenne des droits de l'homme mais nous n'en avons plus l'énergie, ni les finances. Et surtout, nous doutons de l'efficacité d'une telle démarche. Le problème est politique. Pour y mettre fin, il faut une force politique. C'est à dire une majorité présidentielle avec une volonté sincère de mettre fin à ces délits. Cette majorité soutenue par un lobbying actif des étudiants (lobbying qui n'existe pas) pourrait donner aux institutions judiciaires les moyens pour enquêter et cesserait de protéger les fonctionnaires d'Etat coupables.
Idéalement, de la même façon qu'a été créé un Parquet National Financier pour lutter contre la corruption, nous demandons à ce que soit créé un Parquet National spécialisé dans la lutte contre la discrimination.